Se méfier. De mes excentricités, qui peuvent paraître amusantes — Comme c’est original ! a-t-on envie de s’exclamer —, c’est vrai, mais dangereuses, aussi, courant le risque à l’intérieur d’elles de m’enfermer, de me rendre prisonnier, sinon d’une image, d’une manière fausse de me comporter, de me penser, de m’être. À la fin, on devient son propre singe, et c’est ridicule. Paradoxalement peut-être, j’ai la chance de n’avoir pas de succès, de n’être pas connu, aussi n’ai-je pas à me caricaturer, me parodier pour correspondre à une idée que l’on se serait faite de moi, répondre à des attentes que mon existence passée aurait suscitées. Rien de tout cela dans le quasi anonymat qui est le mien. Et je vois bien ce que j’eusse pu facilement devenir, ayant ce penchant à cabotiner comme les bons acteurs qui ont des impôts à payer. Alors oui, il m’arrive de cabotiner, mais c’est par malheur, dans une sorte de détresse, à la tombée de certaines nuits dont je me dis que je ne vais pas les passer, que je n’y survivrai pas. L’étoile du matin, que j’appelle plus prosaïquement Nelly, me trouve profondément endormi quand il est l’heure de sortir du lit, la tête enfoncée dans l’oreiller, la respiration profonde, comme le sommeil. Ce matin, quand l’étoile est apparue dans mon ciel, j’étais à des années-lumière d’ici, dans une grande salle où de nombreuses personnes étaient présentes, une cérémonie de la SGDL, je crois, quelqu’un était en train de faire un discours — je ne le voyais pas, mon siège n’étant pas disposé tout à fait comme les autres, je faisais face, de trois quarts, à l’auditoire — et, au moment de prononcer son nom, l’orateur insistait sur Rachida Dati, comme quand on veut par là faire entendre aux auditeurs qu’il faut applaudir la personne à l’instant nommée, mais personne n’applaudissait, ou bien trop timidement, alors l’orateur reprenait et insistait, mais l’auditoire semblait ne pas comprendre ou ne pas vouloir comprendre que c’était le moment d’applaudir, et moi, qui avais compris, et qui voulais passer à autre chose (je trouvais le temps long), je me mettais en tête de faire la claque, sauf que, comme souvent dans les rêves, mes mouvements n’étaient pas naturels, et je voyais bien que mes gestes n’étaient pas normaux, comme si je me trouvais empêché d’applaudir des deux mains, ainsi que je l’aurais voulu, faussement, mais peu importait. C’est à ce moment-là que Nelly m’a réveillé. Je me suis tiré de ce rêve peu stimulant avec la plus grande des difficultés. Et, quand je l’ai raconté à Nelly, ce rêve, elle m’a dit que, pendant plusieurs minutes, je n’avais tout d’abord pas réagi à son réveil, m’entêtant à dormir de mon profond sommeil. Que se serait-il passé si j’avais continué de dormir ? Peut-être, ne me souvenant pas de mon rêve qui aurait duré, rien. Je ne sais pas. J’ai déjà exprimé la forme de déception que je ressens souvent au souvenir de mes rêves, comme s’ils n’étaient pas à la hauteur de mes attentes, mais il faut croire que c’est ainsi que je suis — profondément —, pas très intéressant.




