Saskia écrit :
mais comment tu vas faire ????
Safia Sofi écrit :
je t’ai dit que je me débrouillerai
tu peux me dire où sont immatriculées les voitures ?
Saskia écrit :
à miami
Safia Sofi écrit :
il y a des voitures blindées ?
Saskia écrit :
comment je pourrais savoir ????
mais il y a des policiers partout !!!
Safia Sofi écrit :
dis que tu vis à côté et tout ira bien
ils n’ont rien contre toi
Saskia écrit :
s’ils m’arrêtent je suis MORTE
et mes parents me laisseront plus jamais sortir
car je serai morte pour de vrai
T________T
Safia Sofi écrit :
saskia
fais moi confiance
plus tu restes et plus tu es suspecte
démarre la voiture et rentre chez toi
Elle éteint son téléphone et continue d’écouter les bruits du salon. L’homme que tous les gardes du corps entourent n’a toujours pas prononcé un seul mot. Safia Sofi entend juste le bruit de ses semelles sur le parquet. Elle reconnaît l’allure ralentie de celui qui sait être le centre de l’attention.
Bryan Vega marchait de la même façon.
Les pas suivent la trace de Jared et Daisuke au premier étage.
Ensuite les seuls autres bruits à côté viennent des radios accrochées sur les poitrines des policiers. Il y a des appels pour des renforts du côté de Myriad Pro, pour l’identification d’une voiture en fuite dans la banlieue de Miami, pour prévenir que dans certaines zones sous contrôle il n’y a plus rien à signaler.
Safia Sofi reconnaît la voix de Daisuke à l’étage, mais elle ne comprend pas ce qu’il dit. Elle reconnaît les sanglots de Jared.
Elle a peur pour la vie de Jared.
C’est difficile d’imaginer ce que Daisuke et un inconnu protégé par 40 gardes du corps font avec Jared dans la villa où son ancien ami est mort.
Mais c’est encore plus difficile pour Safia Sofi d’imaginer pourquoi et comment l’aura de Jared finit par disparaître complètement de la villa.
Cette évaporation produit le même effet qu’un corps dissout par un pistolet laser dont les vêtements tomberaient en tas sur le sol.
Jared n’est tout simplement plus là.
Daisuke et l’homme reviennent vers l’escalier et Safia Sofi comprend enfin des bouts de leur conversation. Elle comprend les mots inutile, incapable, artefact et réceptacle.
Puis au rez-de-chaussée l’homme demande à un policier s’il n’y a personne dans la villa et le policier répond : toutes les pièces ont été vérifiées avant votre arrivée monsieur le maire.
Safia Sofi répète tout bas : monsieur le maire.
Le maire de Miami dit au policier : quelqu’un se cache ici. Cette phrase est suivie d’une pression très désagréable dans les oreilles de Safia Sofi. Comme si elles s’étaient remplies d’eau, ou qu’elle appuyait de toutes ses forces avec ses paumes pour étouffer le bruit d’une explosion.
Maintenant elle a peur pour sa vie.
Elle dit tout bas : Gon, tu dois me sortir de là.
Le groupe de gardes du corps et de policiers s’active pour débusquer l’intrus mais ils ne pensent pas à regarder dans la penderie parce qu’ils sont beaucoup trop nombreux et qu’ils se gênent et se rentrent dedans et coincent la plupart des placards. C’est un pogo de concert sans le concert.
Le trait de lumière qui arrive dans la cachette de Safia Sofi est gêné par les corps qui vont et viennent en courant. Elle se sent comme dans un train qui traverse une succession de tunnels.
Elle entend les semelles du maire qui marche toujours au ralenti :aucune agitation ne l’empêche d’atteindre sa cible.
Tout est abstrait sauf le bruit de ses semelles sur le parquet.
Ce seul bruit perce maintenant les tympans de Safia Sofi comme un début d’otite. Elle peut tracer la ligne et compter les secondes qui séparent l’emplacement des semelles de son emplacement à elle.
Elle dit : Gon, je suis à Portobello, j’ai besoin de toi.
Dans un fragment de temps débarrassé de tout obstacle elle croit apercevoir Daisuke en bas des escaliers qui la regarde droit dans les yeux. Il a des larmes qui coulent mais il n’a pas l’air de pleurer. Son expression est un mélange de l’emoji neutre et de l’emoji confus.
Le maire de Miami dit : je ne sais pas ce que tu fais ici mais ce n’était pas une bonne idée de venir. Je serais très embêté si tu parlais à quelqu’un de ce tu as vu et entendu.
Gon, dit Safia Sofi, je t’en supplie, aide-moi.
Elle reste calme parce qu’elle croit en son frère, mais la douleur est en train de lui faire perdre connaissance. Un peu de sang s’écoule sur ses lobes d’oreille. Le corps du maire empêche désormais que la lumière n’arrive. Il vient pousser le rocher qui condamne pour toujours l’entrée de la grotte.
La nuit finit de tomber sur le jour.
Safia Sofi murmure une dernière fois Gon quand le maire de Miami ouvre les deux portes de la penderie en grand.
Quelques cintres s’entrechoquent au-dessus d’un espace vide.
Le chapitre 8, Leblanc est inquiète, sera mis en ligne le 20 août !